
En coulisse
Le retour du temps libre : les enfants grandissent et votre liberté aussi
par Michael Restin
Lorsque les jouets commencent à lasser et que les trucs d’adultes ne sont pas encore une option, parents et enfants sont confrontés à une toute nouvelle question. Que faire lorsque la liste de cadeaux reste désespérément vide ?
Mes enfants disent une phrase qui me rend de plus en plus nerveux à l’approche des anniversaires : « Je ne sais pas quoi demander. » Avant, je pouvais compter sur eux pour me donner une liste avec des envies de cadeaux plus ou moins réalistes. Je pouvais ensuite en faire part à la famille et aux invités qui m’interrogeaient. Un peu de Lego Ninjago par-ci, un puzzle par-là, un livre Tiptoi en plus, et tout le monde était content.
Et maintenant : plus d’envies ? D’année en année, ils ont de plus en plus de mal à trouver des idées.
Finalement, c’est plutôt positif. Des enfants qui n’ont pas d’envie sont des enfants heureux, non ? Et très honnêtement, comme chez la plupart des gens, il y a déjà bien trop de choses dans leurs chambres; la plupart ne servent plus, avec un peu de chance on pourra s’en débarrasser lors du prochain marché aux puces de l’école. Arrêter d’acheter pour acheter serait pas mal, je pourrais très bien vivre sans acheter sans cesse de nouvelles choses, mais ce n’est pas si simple.
Ces visages d’enfants sans envie exprimée ne semblent pas si heureux que ça, mais plutôt perplexes et légèrement inquiets. Même sans idée arrêtée, l’impatience de trouver des cadeaux à côté du gâteau ne disparaît pas pour autant. Et pour moi, comme pour d’autres parents, cela augmente la pression de trouver quelque chose d’original. Je crois qu’il n’y a pas que chez mes enfants que les souhaits concrets diminuent. Il semble que ce soit surtout une question d’âge.
Lorsque les bougies sur le gâteau commencent à atteindre deux chiffres, les idées de cadeaux se tarissent. Fini le temps où les listes de souhaits étaient si longues que, par souci pédagogique, si certains étaient exaucés, d’autres restaient non satisfaits. Je trouve important d’enseigner que l’on peut avoir beaucoup d’envies, mais qu’on ne peut pas tout obtenir tout le temps. Si les attentes restent dans la limite du raisonnable et que l’envie d’offrir l’emporte, un cadeau peut être un plaisir pour tout le monde, pour celui qui le fait comme pour celui qui le reçoit.
Du moins, ça l’a été pour moi, tant que je savais ce qui faisait plaisir. Même l’assortiment le plus fourni ne m’aide guère en ce moment. Au contraire, cela me frustre. Cliquer sur la catégorie « jouets » ne m’est plus d’aucune utilité. Les dernières tendances qui y sont présentées sont depuis longtemps rangées dans une armoire, prennent la poussière, ou ont été données ou vendues. Rien ne vieillit plus mal que le cadeau de l’année dernière, à mesure que les enfants évoluent.
Malgré tout, je sens que la joie de voir des paquets emballés dans du papier multicolore sera toujours plus grande que celle de recevoir un bon pour une excursion ou toute autre activité qui, le jour J, peut tout au plus éveiller de l’impatience. Il semble que ce soit le cas jusqu’à l’âge de douze ans environ, comme le montre cet article (en anglais).
Les jeunes enfants tirent leur bonheur de choses tangibles. L’envie de se constituer un trésor fait de souvenirs n’est pas d’actualité et se réjouir de manière anticipée est encore un concept étranger. Tout est axé sur le moment présent. Pour les tout-petits la première étape du plaisir est d’ailleurs de pouvoir déchirer le papier.
En grandissant, les souhaits deviennent plus spécifiques. Ils s’inspirent de leurs loisirs et de ce qu’ils voient chez leurs camarades. Puis à un moment donné, ils deviennent plutôt rationnels. Cela donne : « Faites une cagnotte, j’ai besoin d’un nouveau smartphone ou bien je m’achèterai quelque chose d’utile avec l’argent. » Nous sommes actuellement dans une phase de transition.
Pour que les cadeaux ne se résument pas à une distribution de jolis billets en fonction des besoins budgétaires planifiés par leurs jeunes, les parents doivent faire preuve d’imagination et remettre en question leur propre motivation à offrir des cadeaux. Est-on simplement en train de cocher cette action dans la liste des choses à faire obligatoires ? Ou bien réfléchissons-nous de la bonne manière ?
« Notre intention est d’amener les parents à se réapproprier leur propre compétence en les sensibilisant aux raisons pour lesquelles ils offrent quelque chose à leurs enfants », explique Gerald Hüther, auteur et neurobiologiste, dans une interview accordée au magazine Spiegel (en allemand). Bonne question. Pourquoi fait-on des cadeaux ?
Bien sûr, en premier lieu, nous offrons des cadeaux pour faire plaisir. Par conséquent la crainte de devoir faire face à une déception le jour d’un anniversaire nous mobilise plus ou moins consciemment dans le choix des achats. De ce fait, et bien que les enfants soient dépassés par l’abondance (en anglais), il y a une quantité toujours plus importante de cadeaux (en allemand) au moment des fêtes.
Ces cadeaux irréfléchis ne sont pas sans conséquences : les enfants comblés de cadeaux plutôt que d’attention jouent de manière plus superficielle et moins créative, ne développent pas une estime de soi saine et ont davantage tendance, à l’âge adulte, à rechercher le bonheur dans la consommation (en anglais).
Nous avons tendance à nous faciliter la vie, et une erreur n’est pas toujours grave. Cependant, offrir en toute conscience de son geste, c’est aussi prendre un peu de risque et oser surprendre. « L’amour et le sens de responsabilité des parents vis-à-vis de leur enfant les conduisent naturellement à des projets de cadeaux utiles », explique le neurobiologiste Hüther.
Il s’agit d’identifier des besoins que l’enfant n’a peut-être pas encore identifiés lui-même, notamment pour passer du temps ensemble. Dans le meilleur des cas, cela peut non seulement donner naissance à un nouveau passe-temps, mais aussi approfondir la relation. Vu sous cet angle, mon collègue Philipp Rüegg a tout bon.
Identifier les besoins de son enfant, c’est plus facile à dire qu’à faire, surtout quand ils ne sont pas évidents. Ou lorsque les envies se déplacent lentement mais sûrement vers le monde numérique et que je dois alors expliquer que mon amour et ma responsabilité empêchent l’achat d’un iPhone ou davantage de temps de jeu.
Je n’ai pas de véritable solution à mon « problème ». Je retiens simplement l’idée que les cadeaux doivent créer des liens et qu’ils permettent de se rapprocher, car une chose en entraîne une autre : le télescope prend de la valeur grâce aux soirées passées ensemble. Un nouveau vélo, c’est bien, mais faire une balade à deux, c’est mieux. Pour jouer au ping-pong, il faut être au moins deux. La relation est le fil rouge qui lie le tout et transforme un cadeau en expérience.
Avez-vous vécu des expériences similaires avec vos enfants et comment avez-vous géré la situation ? Avez-vous vous-même été heureux sans perspective de cadeaux susceptibles de vous combler, avez-vous réduit le nombre de cadeaux ou eu l’occasion de tester un nouveau loisir ? Je serais ravi de lire votre point de vue et vos idées en commentaires.
Écrivain amateur et père de deux enfants, j’aime être en mouvement et avancer en équilibre sur le chemin sinueux de la vie de famille. Je jongle avec plusieurs balles et il m’arrive parfois d’en faire tomber une. Il peut s’agir d’une balle, ou d’une remarque. Ou des deux.