Critique

« Clair Obscur : Expedition 33 », mon JRPG de l’année

Kevin Hofer
23/4/2025
Traduction: Sophie Boissonneau

Que vous soyez francophile ou fan de jeux de rôle japonais, vous vous devez de jouer à « Clair Obscur : Expédition 33 ». Le petit studio français nous offre un jeu à l’esthétique sublime et un système de combat au tour par tour évolutif grisant.

Ma tête se balance au rythme de la bande son orchestrale, ponctuée de basses profondes. Les mains moites, je m’accroche fermement à ma manette, car le Dualliste est sur le point d’attaquer à nouveau. J’ai déjà utilisé toutes mes potions de guérison et de résurrection pendant les dix premières minutes du combat. Et pour cause, au moindre coup d’épée de ce colosse, mes points de vie fondent comme neige au soleil. Au moins, maintenant je connais ses attaques. Je sais que je dois parer deux fois « normalement » avec Maelle, puis sauter une fois et juste après, caler une contre-attaque avant de trouver une autre manière de me défendre contre un coup particulièrement puissant. J’y arrive et Maelle lance une contre-attaque destructrice qui l’achève enfin.

Dingue.

Clair Obscur : Expedition 33 m’a donné des palpitations, notamment dans les combats de boss. Le système de combat au tour par tour, auquel le studio Sandfall Interactive a ajouté des mécaniques de jeu en temps réel, est indubitablement l’un des points forts du jeu, mais pas le seul. Il y a aussi le monde sublime qui, avec ses influences françaises, offre un cadre de jeu inédit. Ou encore les personnages profonds et sympathiques, ancrés dans une histoire alambiquée, mais qui reste cohérente et riche en émotions. Ou encore la bande-son tout simplement grandiose qui enchaîne les moments forts. Je suis conquis.

Une histoire riche en rebondissements et révélations

Tous les ans à la même époque, la peintresse sort de son profond sommeil et peint un numéro sur son monolithe. Toutes les personnes ayant l’âge en question sont vouées à disparaître. Chaque année, une expédition prend donc la route pour tenter d’éliminer la peintresse.

Le monolithe gravé est absolument omniprésent dans le monde de « Clair Obscur : Expedition 33 ».
Le monolithe gravé est absolument omniprésent dans le monde de « Clair Obscur : Expedition 33 ».
Source : Sandfall Interactive

Dans le jeu, j’accompagne donc l’expédition 33. Je commence dans la peau de Gustave et me promène sur les toits de Lumière, une ville inspirée du Paris de la Belle Époque. Tout est décoré de fleurs et magnifique, mais cette beauté est trompeuse. J’apprends rapidement qu’ici, tout le monde est en deuil permanent. Le gommage est imminent, la peintresse va bientôt inscrire le chiffre 33 sur son monolithe et les membres de l’expédition 33 perdront à jamais des êtres chers. Le deuil est un thème central du jeu.

La fracture n’a pas non plus épargné Lumière.
La fracture n’a pas non plus épargné Lumière.
Source : Sandfall Interactive

Juste après le gommage, l’expédition 33 se met en chemin pour le monolithe. Bien entendu, rien ne se déroule comme prévu et l’équipe soudée composée de Gustave, Maelle, Lune et Sciel doit finalement explorer le continent (Lumière se trouve sur une île) seule. Je comprends alors que les habitants de Lumière méconnaissent le monde de Clair Obscur et ce qui se trouve au-delà des murs de leur ville. Nous découvrons le monde du jeu ensemble.

Les survivants de l’expédition 33 : Lune, Maelle, Gustave et Sciel (de gauche à droite).
Les survivants de l’expédition 33 : Lune, Maelle, Gustave et Sciel (de gauche à droite).
Source : Sandfall Interactive

Cela va évidemment donner lieu à quelques révélations, dont beaucoup sont évoquées entre les lignes, mais ne sont pas claires d’emblée. J’ai beaucoup aimé l’histoire principale, et ce, notamment grâce à ses personnages.

Mais avant d’en venir à l’histoire, parlons de sa durée de vie. Il m’a fallu environ 29 heures pour arriver au générique de fin. Le studio lui-même annonce 30 heures pour venir à bout de l’histoire principale. J’ai également fait quelques quêtes secondaires, mais je n’ai pas traîné pour le test. Les quêtes secondaires restantes devraient m’occuper pendant une vingtaine d’heures supplémentaires. Clair Obscur est donc relativement court pour un jeu de rôle, ce que je trouve plutôt positif. J’aime les jeux qui ne s’éternisent pas et pour le coup, 30 heures, c’est loin d’être court. D’autant plus pour une histoire qui ne part pas dans tous les sens et n’est pas artificiellement prolongée.

Des personnages au top

Gustave, Maelle, Lune et Sciel se connaissent très bien, ils se sont entraînés ensemble pour l’expédition. Les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres sont captivantes. Gustave est comme un grand frère et un mentor pour Maelle, qui a perdu ses parents très tôt dans un gommage. Il entretient également une relation étroite avec Lune, ils semblent liés par une romance. Sciel, quant à elle, est une amie avec laquelle Gustave plaisante volontiers. Ces relations évoluent au fil de l’histoire et j’en apprends davantage sur la vie et les motivations des personnages.

Le jeu vire souvent à l’effusion de sang et d’émotions.
Le jeu vire souvent à l’effusion de sang et d’émotions.
Source : Sandfall Interactive

J’ai une critique quant aux personnages et aux relations qui les lient : tout passe par Gustave. Les trois femmes sont certes amies et se battent pour une cause commune, mais les relations qu’elles entretiennent entre elles ne sont pas assez développées à mon goût.

Je découvre les personnages au fil de l’histoire principale, mais aussi dans le camp que je peux ouvrir à tout moment sur la carte du monde. C’est aussi ici que se déroulent les dialogues optionnels. Heureusement, l’histoire n’est pas toujours aussi sérieuse et nous octroie des pauses plus drôles.

Le camp me permet d’apprendre à mieux connaître les personnages.
Le camp me permet d’apprendre à mieux connaître les personnages.
Source : Sandfall Interactive

Esquie, une créature mystique ressemblant à un poulet, donne notamment lieu à des scènes amusantes. Alors que je cherche à le recruter pour m’aider, il sert par exemple de moyen de transport sur la carte du monde, il décide de se livrer à une querelle avec la tortue François, qui lui aurait volé une de ses pierres préférées lui permettant de nager. Esquie et François partagent une grotte et je trouve drôle qu’une tortue de pierre géante accuse un immense poulet en tissu de lui envoyer des hooligans. Quelle absurdité, d’autant plus que je dois ensuite me battre contre François, ce qui ne me pose aucun problème.

Esquie ressemble à un poulet plumé, mais apprend à voler pendant le jeu.
Esquie ressemble à un poulet plumé, mais apprend à voler pendant le jeu.
Source : Sandfall Interactive

Plus tard dans le jeu, d’autres personnages rejoignent l’expédition, comme le Gestral Monoco. Les Gestrals comptent parmi les rares êtres vivants bienveillants envers les humains sur le continent. Ils aiment se battre et considèrent cela comme une forme de méditation, ce qui se révèle être une excellente qualité dans un environnement où les Nevrons sont constamment à l’affût. Monoco n’accepte donc de se joindre à l’expédition 33 qu’après la promesse de nombreux combats passionnants.

On peut choisir la tenue de certains personnages comme Monoco.
On peut choisir la tenue de certains personnages comme Monoco.
Source : Sandfall Interactive

Le jeu compte aussi des personnages secondaires, mais leur rôle est encore plus insignifiant que dans d’autres jeux de rôle. Ça contribue à renforcer l’impression que le monde de Clair Obscur est désolé et peu peuplé et laisse plus de temps pour développer les personnages principaux et leurs relations.

Une direction artistique entre ombre et lumière

Le nom Clair Obscur parle de lui-même et la direction artistique de Sandfall Interactive joue allègrement avec l’ombre et la lumière. Les contrastes forts sont rois et de nombreux paysages ressemblent à des tableaux. Certaines régions sont surréalistes, comme les Eaux Volantes qui sont à la fois sous l’eau et hors de l’eau. C’est à la fois beau et dérangeant.

Les paysages sont parfois surréalistes.
Les paysages sont parfois surréalistes.
Source : Sandfall Interactive

Les régions sont extrêmement variées. Les plages Gestral optionnelles baignent ainsi dans une ambiance caribéenne et proposent des jeux dans ce thème. Dans les Falaises de Rochevague, j’explore ensuite des plages totalement différentes, où des épaves de bateaux flottent dans les airs. Dans Cœurs gelés, j’explore un paysage hivernal, tandis que Sirène me propose une ambiance orientale et une danseuse géante. Je me suis perdu plus d’une fois dans les paysages désespérés, mais magnifiques du jeu. Je ne m’en plaindrai pas.

Les adversaires absurdement grands sont impressionnants.
Les adversaires absurdement grands sont impressionnants.
Source : Sandfall Interactive

Les adversaires sont, eux aussi, très variés. Ils semblent tantôt sortis d’un livre d’images pour enfants, tantôt d’un cauchemar. Certains vous arrivent au genou quand d’autres mesurent plusieurs centaines de mètres. Les combats comme celui contre le Dualliste, évoqué plus haut, restent gravés dans ma mémoire. Les combats optionnels contre des mimes apportent, quant à eux, un peu de variété visuelle. C’est génial !

Les combats comme celui contre le Dualliste resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
Les combats comme celui contre le Dualliste resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
Source : Sandfall Interactive

Le jeu pèche toutefois sur certains points. Dans ma version d’essai, le popping était omniprésent. De plus, si les cinématiques sont joliment animées, les dialogues au camp me donnent l’impression de personnages aussi grossiers que chez Bethesda. De plus, la synchronisation labiale en anglais et en français est parfois asynchrone. Sandfall Interactive promet toutefois de corriger nombre de ces problèmes dans un patch à la sortie du jeu.

Du reste, les voix sont géniales dans les deux variantes disponibles. Ben Starr, connu pour son rôle dans Final Fantasy XVI, interprète l’un des rôles principaux et, avec Andy Serkis dans le rôle de Renoir, le jeu a réussi à attirer un grand nom d’Hollywood. J’ai quand même préféré la version française, notamment pour le langage fleuri du jeu. Les « putain de merde » sonnent bien mieux en bon français sans accent anglais.

« Clair Obscur : Expedition 33 » est magnifique, mais le popping est une vraie plaie.
« Clair Obscur : Expedition 33 » est magnifique, mais le popping est une vraie plaie.
Source : Sandfall Interactive

La bande-son n’a rien à envier à la beauté visuelle du jeu. On la doit à Lorien Testard, compositeur français, qui comme Sandfall Interactive n’avait jamais travaillé sur un jeu vidéo auparavant. Là encore, on entend l’inspiration française. À Lumière, la musique me donne l’impression d’être sur les Champs Élysées. Les divers arrangements de la musique de combat envoient du lourd, surtout lors des combats de boss. Le fait que les moments forts s’enchaînent à toute vitesse ne me dérange pas. Au contraire, la musique accompagne joliment l’histoire qui se surpasse elle-même.

Le meilleur pour la fin : le système de combat

Une grande partie du gameplay de Clair Obscur : Expedition 33 rappelle les JRPG classiques :

  • j’équipe mes personnages d’armes et d’armures appelées pictos ;
  • après les combats, je gagne des points d’expérience qui me permettent de monter de niveau ;
  • je distribue les points ainsi obtenus et j’apprends de nouvelles attaques ;
  • les combats se déroulent au tour par tour.

Jusque-là, typique des JRPG, mais Clair Obscur intègre aussi des interactions en temps réel. Par exemple, lorsque je lance une attaque avec Maelle, je dois appuyer sur la touche A de ma manette à un moment précis. Si mon timing est parfait, mes chances de coup critique augmentent. La réponse aux attaques des adversaires pèse plus sur l’issue du combat que vos propres attaques.

Si j’appuie au bon moment, j’ai droit à des attaques plus puissantes.
Si j’appuie au bon moment, j’ai droit à des attaques plus puissantes.
Source : Sandfall Interactive

Je peux ainsi esquiver ou parer en appuyant sur la touche correspondante au bon moment. Les attaques des adversaires étant généralement composées de plusieurs attaques, je dois bien mémoriser leurs enchaînements. En effet, même en difficulté normale, les ennemis m’infligent de sérieux dégâts et le timing de l’esquive et de la parade est court. Si je parviens à parer chaque coup, mes personnages effectuent des contre-attaques.

Attaque parée : Maelle contre-attaque.
Attaque parée : Maelle contre-attaque.
Source : Sandfall Interactive

Cela peut paraître simple, mais apporte une toute nouvelle composante au combat au tour par tour. Étant fan de Metroidvania, je me suis bien amusé. Il faut faire preuve de précision et de rapidité. C’est comme si mes deux genres préférés avaient donné naissance à un bébé que je peux désormais chérir.

Même en dehors des actions en temps réel, le système de combat est amusant. En effet, tous les personnages ont leurs particularités au combat. Monoco, par exemple, n’obtient pas ses compétences via l’arbre de talents, mais collecte les ossements des Nevrons, dont il peut ainsi reprendre les attaques. Les personnages peuvent également enfiler des masques renforçant leurs attaques. Les sortilèges sont par exemple plus puissants avec le masque magique et ainsi de suite. Lune, quant à elle, collecte des taches élémentaires qui renforcent également les attaques. Je dois surtout veiller à composer une équipe puissante afin de combattre les boss.

Avant d’affronter cette grosse bête, je dois m’équiper.
Avant d’affronter cette grosse bête, je dois m’équiper.
Source : Sandfall Interactive

Si vous n’aimez pas les combats, vous pouvez également jouer en mode histoire. Les personnages prennent moins de dégâts et vous ne devez pas parer. Si vous aimez les défis, vous pouvez jouer en mode « Expert » ou lancer une « Nouvelle partie + » une fois que vous serez venu à bout de votre première partie.

Les plages Gestral offrent des mini-jeux dont les commandes ne sont pas toujours aisées.
Les plages Gestral offrent des mini-jeux dont les commandes ne sont pas toujours aisées.
Source : Sandfall Interactive

Ma critique du gameplay ne concerne pas le système de combat, mais l’exploration. Je dois parfois venir à bout de niveaux de plateforme que je ne trouve pas réussis, surtout dans les mini-jeux. Certains donjons du début ressemblaient aussi un peu trop à de longs couloirs interminables à mon goût. Il s’agit cependant de détails qui n’entravent en rien le plaisir de jouer.

« Clair Obscur : Expedition 33 » est distribué par Kepler Interactive. J’ai testé la version PC. Le jeu est disponible depuis le 24 avril 2025 sur PS5, Xbox Series X/S et PC.

Bilan

Un bijou de JRPG venu d’Europe

« Clair Obscur : Expedition 33 » a été développé par une équipe de tout juste 30 personnes du studio Sandfall Interactive. Pourquoi prendre la peine de le mentionner ? Les jeux de cette envergure sont généralement le fruit d’équipes bien plus conséquentes. Le JRPG de Sandfall Interactive ne laisse cependant rien transparaître de la taille de son équipe. Le scénario, la direction artistique et le gameplay sont tout simplement brillants et surpassent même des classiques du genre comme « Final Fantasy XVI ». Bref, si je devais faire un top 5 de mes jeux de rôle préférés, « Clair Obscur : Expedition 33 » en ferait clairement partie. Le système de combat combinant tour par tour et action en temps réel y est pour beaucoup. C’est peut-être simple, mais ça suffit à apporter une nouvelle dimension à un système sinon bien connu.

À cela s’ajoute un superbe univers inspiré de la France de la Belle Époque, peuplé de créatures mythiques arpentant un monde apocalyptique. Pour parfaire l’ambiance, l’équipe de Sandfall Interactive a écrit une histoire sur le deuil, riche en émotions et animée par des personnages attachants auxquels on s’identifie aisément. Pour ne rien gâcher, le jeu est accompagné par l’une des plus belles bandes-son que j’ai entendues ces dernières années.

Ma seule critique concerne le popping incessant et les personnages qui semblent un peu patauds en dehors des cinématiques. Côté gameplay, je n’ai pas grand-chose à redire. Seuls les quelques passages de plateformes et les commandes dans les mini-jeux laissent à désirer, mais ce ne sont que des détails.

En bref, « Clair Obscur : Expedition 33 » est un chef-d’œuvre qui montre avec brio comment les RPG peuvent encore apporter du renouveau dans les combats au tour par tour en 2025. Ce sera très probablement mon JRPG de l’année.

Pro

  • personnages sympathiques
  • histoire prenante
  • superbe esthétique
  • la bande-son déchire
  • système de combat au tour par tour innovant

Contre

  • trop de popping
  • passages de plateforme agaçants
  • l’animation des personnages en dehors des cinématiques paraît grossière
Bandai Namco Clair Obscur: Expedition 33 (PS5, DE, IT, FR)
Jeu vidéo

Bandai Namco Clair Obscur: Expedition 33

PS5, DE, IT, FR

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