
En coulisse
Omnibus numérique : l’UE veut réorganiser les lois numériques
par Florian Bodoky

L’UE prévoit une réforme de ses bannières de cookies, car elles coûtent cher et n’apportent pas les bénéfices promis. En Suisse, nous misons sur une solution alternative.
Pendant mes études, un de mes professeurs, Peter Grossen, a utilisé une métaphore que je n’ai jamais oubliée : dans une pizzeria, les clients ne veulent pas se retrouver devant un menu de 300 pages et devoir choisir parmi 3000 pizzas. Il veulent avoir une dizaine d’options ou, encore mieux, un menu du jour. Avoir l’embarras du choix nous donne certes un sentiment de liberté, mais nous sommes aussi submergés par toutes ces décisions à prendre. C’est le revers de la médaille aujourd’hui dans notre société à options multiples .
Société à options multiples. Cette expression me vient à l’esprit à chaque fois que je clique sur une bannière de cookie.
Dans l’UE, les bannières de cookies sont obligatoires depuis 2009. Elles servent à appliquer le principe d’autodétermination informationnelle : les utilisateurs et utilisatrices doivent être informés et avoir la possibilité de décider quelles données les exploitants de sites Internet peuvent collecter et utiliser à leur sujet. On les voit partout, mais ont-elles réellement atteint leur objectif ? Non, a résumé la Commission européenne (en anglais) dans un document autocritique.
Premièrement, les bannières de cookies sont énervantes. D’après une enquête Bitkom (en allemand), 76 % des internautes sont de cet avis. Deuxièmement, la recherche montre qu’elles ne les aident pas à naviguer avec autodétermination. Au contraire, une consent fatigue, ou « fatigue des autorisations », s’installe. Personne n’a le temps ni l’envie de lire des pages et des pages d’informations sur chaque nouveau site Internet, et de toute façon, qui comprend ce charabia ? Pas étonnant que les utilisateurs et utilisatrices doutent de pouvoir exercer un quelconque contrôle en cliquant sur les bannières de cookies ! Résultat, assommés par le flot d’informations, ils cliquent sans réfléchir. Les options multiples dans les bannières de cookies ne font finalement que leur donner l’illusion qu’ils ont le choix. La Commission européenne plaide désormais pour la fin du déluge. Les utilisateurs et utilisatrices devront paramétrer les données de manière centralisée, comme ils peuvent déjà le faire via des outils reconnus.
Dans la pratique, les dark patterns, des composantes manipulatrices intégrées au design des pages Internet qui facilitent le consentement, incitent aussi la plupart des internautes à cliquer sur « Tout accepter » . Par exemple, un seul clic suffit pour accepter tous les cookies, alors qu’il faut cliquer plusieurs fois pour les refuser. Le choix est biaisé dès le départ.
Lorsque les deux options demandent une charge de travail équivalente, les utilisateurs et utilisatrices cliquent bien plus souvent sur « Tout refuser ». Cela dit, d’après nos recherches, ils ne le font pas non plus tout à fait de leur plein gré. Nous avons interrogé plus de 678 utilisateurs et utilisatrices en Suisse et en Allemagne. Dans l’ensemble, notre clientèle nous fait confiance en ce qui concerne le traitement des données. Sur une échelle de 1 (pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait d’accord), nous obtenons en moyenne un score de 4,23 pour l’affirmation « Galaxus répond à mes attentes en matière de gestion responsable de mes données personnelles ».
Pourtant, et bien qu’ils nous trouvent fiables, 38 % des clients de l’UE choisissent quand même « Tout refuser », nous refusant ainsi l’accès aux données. N’est-ce pas contradictoire ? Par ailleurs, seuls 0,02 % des utilisateurs et utilisatrices européens acceptent des cookies individuels après les avoir sélectionnés. D’après ces données, les bannières de cookies semblent plutôt les pousser à prendre des décisions arbitraires.
Autre élément ambigu : notre clientèle souhaite avoir une expérience d’achat personnalisée. Or c’est justement là qu’interviennent les cookies, souvent refusés au sein de l’UE. Dans la recherche, on nomme ce phénomène le paradoxe de la personnalisation (en anglais ; ce lien mène vers une page contenant une bannière de cookies et des dark patterns).
Revenons à la pizzeria : lorsque nous sommes livrés à nous-mêmes et que nous n’avons pas envie d’étudier toute la carte, nous choisissons la margarita par défaut, même si elle n’a rien de folichon. En revanche, si nous disons au serveur que nous aimons la bresaola, il nous recommandera la pizza della casa.
Nous avons opté pour une solution alternative à la bannière de cookies. Nos utilisateurs et utilisatrices souhaitent plus de transparence, et nous les avons écoutés. En plus des paramètres de données et de confidentialité, nous proposons désormais un profil d’intérêt. Vous y voyez quelles données nous recueillons à votre sujet, et vous gérez cette collecte en fonction de vos intérêts. Nous voulons ainsi vous offrir un réel contrôle informé, sans vous agacer ni perturber votre expérience d’achat.
Dans mon travail, j'ai l'occasion de m'occuper beaucoup de politique, d'économie et de société. Dans ma vie privée, j'aime acheter des livres et les empiler chez moi. J'ai lu que les Japonais appellent cela le tsundoku.
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